La crise sanitaire a conduit à des mouvements de population inédits, temporaires (le temps des confinements) ou à des déménagements, ainsi que le pointe le rapport le rapport de Jean-Noel Barrot sur « Le rebond économique territorial » : « La crise sanitaire semble avoir amorcé un nouvel « exode urbain »« . En témoigne notamment la hausse  des transactions immobilières dans les départements voisins des grandes agglomérations, moins denses et plus ruraux. Les ménages parisiens ont par exemple accru leurs achats immobiliers en direction des départements de la grande couronne, mais aussi de Normandie et du Centre-Val de Loire. Durant le premier confinement, l’analyse des données de téléphonie mobile avait de même montré ces départs massifs de la capitale, estimés à environ 20% de la population.

Il est encore trop tôt pour se prononcer sur la durabilité de ces mouvements de population et la désaffection des centres-villes des grandes métropoles au profit des petites villes et de la ruralité. La lecture des données de l’emploi pour l’année 2010 nous permet néanmoins de mesurer l’impact de cette crise sanitaire sur les secteurs et les entreprises qui animent l’offre commerciale des villes et des bourgs ruraux, à savoir l’artisanat et le commerce de l’alimentation, le commerce non alimentaire et les circuits de grande distribution.

Pris globalement, le tissu d ‘entreprises dans ces secteurs s’est maintenu. Les dispositifs d’accompagnement publics n’ont toutefois pas permis de maintenir tous les emplois, dont la baisse globale est de 4% au 31 décembre 2020 comparativement à l’année précédente, soit près de 90.000 emplois en moins.

Les tendances d’évolution divergent néanmoins selon les secteurs. Les secteurs « perdants » de cette année de crise sont les commerces ayant subi les différents épisodes de fermeture administrative, à savoir :

– les activités de l’hôtellerie-restauration : plus de 50.000 emplois en moins dans la restauration traditionnelle (soit une baisse de 13% des effectifs) ; perte de 9.550 emplois  dans les bars-débits de boisson, 5.500 chez les traiteurs (touchés par l’interdiction des repas festifs).

– le commerce non alimentaire (« non essentiel ») : les commerces d’habillement, déjà fragilisés depuis 2015, ont perdu environ 18.500 emplois salariés, les magasins de chaussure 5.410 ; les maroquineries, parfumeries, magasins de presse-papeterie ont été également durement touchés.

– parmi les activités de l’artisanat des services, la coiffure a payé un cher tribut (-2.250 emplois salariés), de même que la blanchisserie-teinturerie (-960).

Certains commerces alimentaires non confinés ont également pâti du coup d’arrêt porté aux événements festifs, comme les pâtisseries, les chocolateries et confiseries.

La plupart des commerces alimentaires ont néanmoins tiré profit des confinements de la population et de la hausse des repas pris au domicile : en premier lieu les épiceries, qui ont créé près de 3.500 emplois nouveaux, les primeurs (+1.360 emplois créés) ou les boucheries (+2.020). Le circuit de proximité a confirmé ainsi la bonne santé retrouvée depuis 2015. Les supermarchés ont également bénéficié des confinements (8.160 emplois créés), mais pas les hypermarchés déjà en perte de vitesse avant le déclenchement de la crise sanitaire (-1.440 emplois perdus en 2020).

Au plan national, l’année 2020 a donc renforcé les tendances d’évolution déjà engagées précédemment : fragilisation du commerce non alimentaire, bonne santé du circuit alimentaire de proximité. Les activités de l’hôtellerie-restauration sont dans une situation différente : la crise sanitaire a marqué un coup brutal à un déploiement engagé depuis une vingtaine d’années et il est encore difficile de se prononcer sur l’état de sortie de crise et la capacité de rebond de ces entreprises.

SecteurEvolution du nombre de salariés
en 2020 (en %)
Evolution du nombre de salariés (en variation nette)
56.21Z Services des traiteurs-22%-5410
47.72A Commerce de chaussure-15%-3760
56.30Z Débits de boissons-14%-9550
56.10A Restauration traditionnelle-13%-51150
47.72B Commerce de maroquinerie -12%-910
47.71Z Commerce d’habillement -12%-18470
96.01B Blanchisserie-teinturerie de détail-9%-960
47.11E Magasins multi-commerces-9%-550
47.75Z Commerce de parfumerie -8%-2530
10.82Z Fab chocolat et confiserie-5%-910
10.71B Cuisson de produits de boulangerie-4%-350
47.62Z Commerce de presse et papeterie -4%-720
10.71D Pâtisserie-4%-560
Total général-4%-89650
……………………….

47.54Z Commerce d’appareils électroménagers3%650
47.29Z Epiceries fines, cremiers-fromagers, bio3%880
47.11D Supermarchés3%8160
95.22Z Réparation d’appareils électroménagers 3%180
47.11A Commerce de produits surgelés4%400
47.22Z Boucherie5%2040
47.23Z Poissonnerie8%360
47.21Z Primeur9%1360
47.11B Epicerie, alimentation générale9%3470
Source : URSSAF, ensemble des emplois employés salariés au 31.12, hors apprentis et stagiaires

Rappelons les tendances observées jusqu’en 2019 : la croissance des emplois de l’artisanat et du commerce alimentaire était plus concentrée dans les grandes agglomérations et souvent, au sein des unités urbaines, dans les communes périphériques des villes-centres. Cette bonne santé faisait néanmoins défaut dans les communes rurales, dont les commerces perdaient des emplois salariés.

L’analyse des chiffres de l’emploi salarié en 2020 selon la taille des unités urbaines semble indiquer une rupture dans ces tendances. Conformément au constat posé par le rapport Barrot, la crise a frappé plus durement le tissu commercial des grandes agglomérations que les petites et moyennes unités urbaines. La baisse de l’emploi salarié des secteurs de quotidienneté a ainsi été plus marquée dans l’unité urbaine de Paris (-5%). Le commerce rural a également payé un lourd tribut en terme d’emplois (-9%), avec toutefois des évolutions contrastées selon les activités. Pour la première fois depuis de nombreuses années, l’artisanat et le commerce de l’alimentation ont créé des emplois dans les communes rurales. Les pertes concernent principalement l’hôtellerie-restauration (pour mémoire, près de 2500 communes avaient pour unique commerce un restaurant).

Evolution des emplois salariés dans le commerce de quotidienneté en 2020

Familles d’activitésUU <5000 hsUU de 5000 à 20000 htsUU de 50000 à 200000 hsUU>200000UU Paris
Artisanat de l’alimentation2%1%0%2%2%
Artisanat des services-1%-2%-1%-1%-3%
Commerce de l’alimentation2%7%4%4%4%
Commerces non alimentaires-9%-7%-8%-10%-11%
Grande distribution3%2%1%1%-2%
Hôtellerie-restauration-23%-9%-7%-9%-8%
Services de santé-1%-1%0%1%1%
Total-6%-1%-3%-4%-5%
source : URSSAF, ensemble des emplois salariés au 31.12, hors apprentis et stagiaires) – traitement ISM

Evolution de l’emploi salarié des commerces de quotidienneté en 2020 par types de communes

Familles d’activitésvilles centresCommunes de banlieue des villes centresVilles isoléesHors unité urbaine
Artisanat de l’alimentation0%3%2%2%
Artisanat des services-2%-1%-1%-1%
Commerce de l’alimentation2%7%4%1%
Commerces non alimentaires-10%-8%-7%-8%
Grande distribution 0%1%2%3%
Hôtellerie-restauration-10%-7%-7%-27%
Services de santé-1%1%0%-1%
Total-5%-2%0%-9%
source : URSSAF, ensemble des emplois salariés au 31.12, hors apprentis et stagiaires) – traitement ISM