Etat des lieux (2018)
L’Institut Supérieur des Métiers a réalisé à la demande de l‘U2P Ile-de-France un état des lieux du tissu artisanal, commercial et libéral en Ile-de-France, dans l’objectif de caractériser ce tissu de petites entreprises et les tendances d’évolution observées ces dix dernières années.
UN TISSU D’ENTREPRISES ET D’EMPLOIS EN DÉVELOPPEMENT
En Île-de-France, la croissance du nombre d’entreprises et d’emplois salariés affiche les taux les plus élevés de France : le parc d’entreprises y a progressé en 10 ans de 66 % dans les secteurs de proximité (moyenne France 56 %) ; les emplois salariés se sont accrus de 6 % sur la période, alors que les effectifs étaient
stables au plan national. Le tissu francilien se distingue donc par une dynamique de croissance bien supérieure à celle des autres régions. L’impact de la crise économique y a été plus faible, mis à part le choc observé en 2009.
Avec 641 000 entreprises et 800 000 salariés (hors apprentis et stagiaires), les secteurs de proximité représentent 61 % des entreprises du secteur marchand
(64 % pour la France entière) et 17 % des emplois salariés (19 % pour la France entière), un poids important bien que légèrement inférieur aux taux nationaux.
DESSERTE ET DYNAMIQUE ENTREPRENEURIALE DES TERRITOIRES : La densité d’entreprises est deux fois plus forte à Paris que dans les autres départements
Avec 53 entreprises pour 1 000 habitants, le tissu francilien est plus dense qu’en moyenne nationale (42/1 000). Le contraste est toutefois important entre Paris (110 entreprises pour 1 000 habitants) et les autres départements franciliens : à Paris, la densité du tissu est deux fois plus élevée (trois fois plus pour ce qui concerne les activités du champ libéral). Elle est d’ailleurs la plus forte de métropole. Cette particularité tient notamment à l’importance de la population – francilienne, touristique – qui converge quotidiennement dans la ville-capitale.
DES DIRIGEANTS PLUS DIPLÔMÉS, PLUS ÂGÉS
Les dirigeants franciliens sont plus diplômés qu’au plan national Les secteurs de proximité brassent des dirigeants aux parcours et aux niveaux de formation très variés. La région Île-de-France se caractérise par la part plus élevée de diplômés de l’enseignement supérieur (57 % contre 40 % en moyenne nationale), notamment dans les activités artisanales et l’hôtellerie-restauration.
27 % des dirigeants ont plus de 55 ans. Sur l’ensemble des dirigeants, 27 % ont plus de 55 ans (contre 23 % au plan national). Les dirigeants franciliens sont donc un peu plus âgés, notamment dans les professions libérales de santé (47 % ont plus de 55 ans). Les départs à la retraite des dirigeants auront
également un impact plus important dans l’artisanat de fabrication (30 % des dirigeants ont plus de 55 ans).
L’EMPLOI SALARIÉ EST CONCENTRÉ DANS UN QUART DU TISSU D’ENTREPRISES
Les 800 000 emplois salariés des secteurs de proximité sont concentrés dans un quart du tissu d’entreprises.
En effet, les trois quarts des entreprises n’emploient pas de salarié, une part croissante depuis 10 ans.
S’ajoute à ce phénomène une concentration sectorielle, la moitié des emplois salariés relevant de douze activités.
Au total, les secteurs de proximité ont créé 73 000 emplois salariés entre 2009 et 2017. La restauration est le premier secteur francilien en nombre d’emplois salariés (120 310 en 2017), elle est également le premier secteur en matière de création d’emplois salariés (+9 870 emplois entre 2009 et 2017). D’autres métiers de bouche sont en forte dynamique de croissance sur la période : la boulangerie-pâtisserie (+5 710), les débits de boissons (+4 965), le commerce d’alimentation générale (+3 820), les services des traiteurs (+2 370).
L’emploi salarié progresse également fortement dans le conseil en gestion (+6 315), la programmation informatique (+4 880 emplois salariés créés), les activités comptables (+4 430) et la pratique dentaire (+2 840). Dans les services, les principaux secteurs porteurs pour l’emploi salarié sont les taxis/VTC (+2 705), les soins de beauté (+2 200) et le nettoyage de bâtiments (+2 550).
L’emploi salarié régresse en revanche sur la période dans les activités de l’artisanat de fabrication, les plus impactés étant la fabrication de vêtements (-1 780), l’imprimerie (-1 080) et la mécanique industrielle (-930). Deux activités de service sont également en perte de vitesse : la fleuristerie (-690 emplois salariés) et la coiffure (-560). Dans le champ libéral, le nombre de salariés baisse de 950 emplois dans les activités juridiques.
MÉTIERS EN COURS DE VIEILLISSEMENT ET CONDITIONS DE TRAVAIL
Âge des salariés
La pyramide des âges des salariés est à peu près conforme à celle qui est observée au plan national : 13 % des salariés des secteurs de proximité sont âgés de 55 ans et plus (contre 12 % en moyenne). Les salariés franciliens sont plus âgés dans l’artisanat de fabrication (21 % ont plus de 55 ans contre 16 % en moyenne nationale), ainsi que dans les professions de santé (19 % contre 18 % en moyenne nationale).
Les métiers en cours de vieillissement (où la part des salariés de 55 ans et plus est supérieure à 20 %) sont les médecins, infirmiers et pharmaciens, les
avocats, les cadres des assurances, les employés du nettoyage et les taxis, ainsi que les métiers des secteurs en restructuration (ouvriers qualifiés du textile-habillement, du travail des métaux et de l’impression), métiers en perte d’attractivité auprès des jeunes générations. Les métiers formant le plus d’apprentis (alimentation, hôtellerie-restauration) ont une pyramide des âges plus jeune.
Revenus
Concernant les conditions de travail, les salaires moyens des entreprises des secteurs de proximité sont plus élevés en Île-de-France qu’au plan national. L’écart moyen est de 18 % en faveur des salariés franciliens. Il est le plus élevé dans les entreprises libérales techniques et du cadre de vie (+24 %), dans les entreprises des activités juridiques (+18 %) et dans les entreprises artisanales de fabrication (+20 %). C’est dans les entreprises de l’hôtellerie-restauration et de l’alimentation que l’écart de salaire est le plus faible.
DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT ÉLEVÉES DANS DE NOMBREUX MÉTIERS
Les besoins de recrutement et l’offre d’emplois progressent dans les secteurs de proximité : aux besoins de remplacement des salariés (départs à la retraite, mobilités professionnelles) s’ajoutent en effet les besoins de recrutement générés par les créations d’emploi (73 000 créations d’emploi entre 2009 et 2017). L’enquête Besoins de Main-d’oeuvre de Pôle Emploi confirme cette évolution. En toute logique, les besoins les plus élevés en volume concernent les métiers réunissant les effectifs salariés les plus nombreux : serveurs et aides-apprentis de l’hôtellerie- restauration, coiffeurs, chauffeurs de taxis, agents d’entretien, ouvriers du BTP (maçons, électriciens, plombiers, menuisiers) et de l’alimentation (vendeurs en alimentation, boulangers, etc.) ; dans les activités libérales,
les métiers affichant les projets de recrutement les plus élevés en nombre sont ceux de l’informatique.
D’autres métiers affichent des besoins de recrutement en forte progression entre 2013 et 2018 : c’est le cas des apprentis et ouvriers non qualifiés de l’alimentation, des charcutiers-traiteurs, des carrossiers, des ouvriers de l’électricité du BTP, du bois-ameublement, de la maintenance mécanique, des architectes et géomètres.
Globalement, les recrutements sont plus difficiles dans les métiers de l’artisanat, en premier lieu ceux du BTP (charpentiers bois, couvreurs, tailleurs de pierre), ainsi que ceux de la réparation automobile, du travail du bois et de l’ameublement, du travail des métaux (soudeurs, chaudronniers), de la maintenance en électricité et de la coiffure-esthétique. Dans les activités libérales, les métiers les plus en tension sont ceux des géomètres, des vétérinaires et des pharmaciens.
Ces difficultés de recrutement sont d’ailleurs supérieures pour certains métiers à celles qui sont observées au plan national, notamment dans le travail des métaux, du bois-ameublement, du textile-habillement, de la plomberie, de l’électricité et de l’assurance.
LE NOMBRE DE DEMANDEURS D’EMPLOI EST POURTANT EN HAUSSE
Malgré une offre d’emplois dynamique en Île-de-France, le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de 26 % entre 2012 et 2016 dans les principaux métiers de proximité (+18 % en France). Ces hausses sont parfois fortes, à l’exemple du métier de cuisinier (le nombre de demandeurs d’emploi a progressé de 50 % en 4 ans), de pâtissier (+44 %), de maçon (+41 %) ou de boulanger (+39 %). Le marché de l’emploi semble donc grippé, soit par un déficit
d’employabilité des demandeurs, soit par un manque d’attractivité des postes offerts. L’impact des nouvelles formes d’emploi (plateformes numériques, micro-entrepreneurs) doit également être étudié dans certains secteurs.
Si l’on rapporte le nombre de ces demandeurs d’emploi aux actifs en poste, leur poids reste toutefois inférieur en Île-de-France à ce qu’il est en moyenne nationale. Dans la plupart des métiers de l’artisanat et de l’hôtellerie-restauration, le poids du chômage par rapport aux actifs est ainsi de 30 % à 50 % inférieur dans la région capitale à ce qu’il est pour la France entière. À titre d’exemple, pour le métier de fleuriste, le ratio était en 2015 de 17 demandeurs d’emploi pour 100 salariés actifs, alors que le taux était de 31 % au plan national. Le poids des demandeurs d’emploi est le plus élevé dans les métiers
de la coiffure et surtout de l’esthétique, ainsi que dans le métier de nettoyage des bâtiments et de taxi. Ce dernier métier est d’ailleurs le seul pour lequel le poids des demandeurs d’emploi (28 demandeurs d’emploi pour 100 salariés) est supérieur au taux national (14 %).
LA FORMATION INITIALE AUX MÉTIERS DE PROXIMITÉ EST À DÉVELOPPER
Les chiffres du marché de l’emploi doivent également s’apprécier au regard des jeunes issus de la formation initiale et formés aux métiers des secteurs de proximité. Or, si l’on prend en compte son tissu d’entreprises, l’Île-de-France se distingue des autres régions par le moindre développement de l’apprentissage, notamment dans les secteurs de l’artisanat et du commerce. Rares sont les secteurs à faire exception, comme la fleuristerie (22 apprentis pour 100 entreprises, contre 20 en moyenne nationale) ou les soins de beauté (14 % contre 9 %).
Par ailleurs, l’apprentissage a globalement reculé entre 2012 et 2015 dans les secteurs de proximité (sauf dans l’artisanat de l’alimentation), alors que l’emploi salarié progressait dans la région.
En conclusion, la demande d’emplois étant dynamique et forte dans les secteurs de proximité, et la pyramide des âges des salariés parfois élevée, les tensions observées sur le marché de l’emploi devraient s’accroître dans les prochaines années.
Cela d’autant plus que l’employabilité des demandeurs d’emploi paraît insuffisante. Outre la formation continue, la formation initiale et l’apprentissage
doivent donc être davantage déployés dans ces métiers pour assurer le renouvellement des emplois.