Les entreprises de proximité au féminin : artisanat, commerce, professions libérales – Edition 2022

Au total, près de 2,8 millions de femmes sont actives dans les entreprises de proximité, soit plus de deux actifs sur 5. Cette étude réalisée pour le compte de l’Union des Entreprises de Proximité avec le soutien de MAAF actualise les données relatives à la place des femmes dans l’entrepreneuriat et dans l’emploi des secteurs de proximité. L’objectif est d’évaluer la progression de la mixité dans des emplois historiquement très genrés, mais aussi de mesurer les écarts H/F observés dans les conditions d’emploi et les revenus, cela à partir des bases de données nationales.

L’étude aborde ainsi successivement la part des femmes parmi les dirigeantes, les créateurs d’entreprise, les salariés et les apprentis. Pour compléter l’analyse, une enquête  a été menée en février 2022 auprès de 550 cheffes d’entreprises artisanales, commerciales et libérales pour connaître leur parcours professionnel et leur vécu de cheffe d’entreprise. Les premiers résultats de cette enquête sont publiés dans l’étude : quel bilan dressent-elles de leur choix de piloter leur activité ? Comment concilient-elles vie familiale et vie professionnelle ? (A noter : les dirigeantes d’entreprises juridiques et les professions de santé sont sous-représentées dans cette enquête).

Voir communiqué de presse de l’U2P.

La part de femmes chefs d’entreprise progresse dans la plupart des secteurs.

•Environ 1.030.000 femmes pilotent une entreprise de proximité (795.000 en 2017), soit 40% de l’ensemble des dirigeants non salariés (38% en 2017). •Tous les secteurs sont concernés par cette féminisation du tissu de chefs d’entreprise, à l’exception de l’artisanat des services.

Source : URSSAF, données en fin d’année des travailleurs non salariés.

Les cheffes d’entreprise restent, comme les années précédentes, plus jeunes et plus diplômées en moyenne que les hommes à ce poste :

  • 32% ont moins de 40 ans (contre 27% des dirigeants). Un vieillissement s’observe toutefois : 13% ont plus de 60 ans (au lieu de 10% en 2017).
  • 73% ont un diplôme égal ou supérieur au BAC contre 55% des hommes. En 2017, les parts étaient de 69% versus 52%.
  • La part de micro-entrepreneurs progresse parmi les indépendantes : elle passe de 36% en 2017 à 45% en 2020. La proportion est quasi-identique parmi les dirigeants indépendants.

Leurs revenus moyens sont très variables en fonction du secteur d’activité et du régime (classique /micro-entrepreneur). Les revenus moyens ont progressé entre 2017 et 2019, mais l’écart de revenus avec les hommes dirigeants demeure constant : il est inférieur de 22% pour les indépendantes du régime classique et de 27% pour les femmes micro-entrepreneurs. Cet écart concerne la quasi-totalité des secteurs d’activité (à l’exception des transports pour les travailleurs indépendants classiques) et des professionnels de santé non réglementés (pour les micro-entrepreneurs). Cet écart n’est pas propre aux secteurs relevant du périmètre professionnel de l’U2P.

Conciliation vie familiale et professionnelle des dirigeantes : un aménagement du temps et de la charge de travail

Selon l’enquête complémentaire menée, près de 80% des femmes dirigeantes interrogées ont une durée hebdomadaire de travail supérieure à 35H. Pour celles ayant un temps de travail inférieur, cela peut s’expliquer :

  • soit comme une difficulté à développer sa clientèle (de nombreuses dirigeantes font ainsi état de difficultés économiques) ;
  • soit comme un choix : il peut s’agir, s’agissant de femmes micro-entrepreneurs, d’une activité secondaire ; pour d’autres, l’activité peut être menée à temps partiel pour concilier vie familiale et vie professionnelle ;

La durée médiane hebdomadaire est ainsi inférieure pour les cheffes d’entreprises avec enfants (40 heures versus 45 heures). 79% des cheffes d’entreprises avec enfants ont en effet aménagé leurs horaires de travail, 64% ont aménagé leur charge de travail. Pour mémoire, selon l’INSEE, les cheffes d’entreprise vivent plus souvent en famille monoparentale que les dirigeants (10% versus 4%) et elles ont en moyenne moins d’enfants.

Etre à son compte contribue à l’équilibre vie familiale / vie professionnelle pour les deux tiers des cheffes d’entreprise.

IL s’agit d’un résultats contre-intuitif de l’enquête menée. Etre dirigeante d’entreprise permet de fait de gérer son temps de travail avec plus de flexibilité, même si cette charge de travail est lourde. Plus que la charge familiale, c’est la taille de l’entreprise qui a une incidence sur l’équilibre vie familiale/vie professionnelle : 70% des cheffes d’entreprise sans salarié considère que le fait d’être à son compte a un impact favorable, une part qui n’est que de 52% pour les cheffes d’entreprise avec salarié(s).

Le rôle du conjoint est déterminant.

Le modèle historique de l’entreprise menée « en couple » reste donc valide, même s’il est inversé s’agissant de femmes dirigeantes.

  • 85% des dirigeantes en couple considèrent que le rôle du conjoint est déterminant pour leur permettre d’exercer leur activité.
  • Les principaux soutiens apportés sont l’écoute (90%), la solidarité financière (74%) et l’intendance familiale (76%).
  • Dans 40% des cas, les conjoints prennent également en charge des tâches dans l’entreprise.

Les préoccupations économiques sont au premier rang des problèmes évoqués par les dirigeantes.

La conciliation vie familiale/vie professionnelle n’est pas au premier rang des difficultés rencontrées par les cheffes d’entreprise interrogées.

  • Pour un tiers des dirigeants, le problème N°1 rencontré est l’insécurité financière.
  • La surcharge de travail, la solitude l’emportent également sur la problématique conciliation vie familiale/vie professionnelle.
  • La conciliation vie familiale/vie professionnelle est un problème pour ¼ des cheffes d’entreprise.
  • Le niveau d’épanouissement personnel des dirigeantes est élevé (7,7/10) malgré le stress lié à la fonction (6,4/10).
Des motivations à l’installation variées.

Les 5 moteurs de l’installation sont le désir d’indépendance, la passion pour un métier, un besoin d’accomplissement, le goût d’entreprendre, mais aussi l’insatisfaction du travail salarié.

Une dirigeante sur dix s’est installée par défaut, en raison de difficultés rencontrées à trouver un emploi salarié. Les projets « contraints »  sont  très minoritaires. Le projet se dessine :

  • Pour 29% : très tôt dans l’enfance(10%) ou au démarrage de la vie professionnelle (19%)
  • Pour 21% : suite à un changement de parcours (reconversion/déménagement)
  • Pour 38% : quand l’opportunité se présente

Parcours préalable des dirigeantes : importance des parcours de reconversion.

Selon l’enquête menée, les dirigeantes s’installent majoritairement à leur compte après une première expérience salarié : 56% d’entre elles étaient dans cette situation, dont 6% déjà salariée de l’entreprise qu’elles ont reprise. Plus d’une dirigeante sur 5 a créé son projet après une période de recherche d’emploi. Au total, environ 30% avait un statut cadre dans le dernier emploi occupé.

Moins de 10%des dirigeante se sont installées immédiatement après leurs études (une situation plus fréquente dans les professions libérales juridiques et de santé). 10% étaient déjà à la tête d’une autre entreprise.

Le projet entrepreneurial apparaît peu prédestiné par le parcours de formation initiale des dirigeantes. Seules 30% d’entre elles ont été formées au métier de l’entreprise dans le cadre de leur formation initiale scolaire et universitaire. 7% ont suivi des formations continue. 21% ont suivi une formation de reconversion. 23% n’ont pas été formées au métier de l’entreprise (ce qui est possible s’agissant d’activités non réglementées, notamment de nature commerciale ou dans le cas d’entreprises employeuses, les compétences métiers étant alors maîtrisées par les salariés).

Un nombre de salariées en hausse : 1.660.000 salariées

S’agissant des salariées, leur nombre est passé de 1.450.000 million en 2015 à 1.660.000 million en 2020, soit 45% du total des salariés (43% en 2015). Comme pour la fonction dirigeant, la féminisation progresse notamment plus fortement dans l’artisanat du BTP (de 11 à 13%) et dans l’artisanat et le commerce de l’alimentation (de 47% à 49%).

Les choix de métiers des salariées restent très centrés sur les métiers de service et les fonctions supports. Les métiers les plus exercés par les salariées des entreprises de proximité (en nombre) restent des métiers de support ou de service.

Ce TOP 12 des métiers les plus exercés par les salariées des entreprises de proximité sont très sexués : exception faite des métiers de la restauration, les femmes y représentent plus de 7 salariés sur 10.

Les salaires moyens des femmes demeurent moins élevés que ceux des hommes, à poste et âge équivalent. L’écart salarial baisse sensiblement (il est de 12,9% au détriment des femmes). Cet écart est certes variable selon le métier exercé. Il est également plus élevé pour les postes d’encadrement.

Un dernier enseignement de l’étude est la baisse de la part de femmes apprenties dans ces entreprises entre 2016/17 et 2019/20.

67 000 apprenties ont été formées en 2019/20 dans les entreprises de proximité.

Le nombre est en hausse globale (65000 apprenties en 2017/17), mais la part tend à la baisse, en raison notamment d’une moindre représentation des femmes parmi les apprentis de l’hôtellerie-restauration et des services.

Source : DEPP, Enquête SIFA, traitement ISM.
En conclusion :
  • Le nombre de femmes progresse dans l’emploi des secteurs de proximité, qu’il s’agisse des dirigeantes ou des salariées (+ 2 pts en 3 ans).
  • La féminisation est particulièrement importante dans l’artisanat et le commerce de l’alimentation, ainsi que dans l’artisanat de fabrication.
  • Le processus de féminisation s’accélère notamment par le jeu des reconversions et de la création d’entreprise.
  • Les choix d’orientation des apprentis restent en effet très sexués et évoluent peu.
  • Les revenus des dirigeantes et des salariés restent en revanche inférieurs.
  • La conciliation vie familiale/vie professionnelle est problématique pour ¼ des dirigeantes ; une majorité considère au contraire que l’installation à son compte est favorable à l’équilibre professionnel/personnel. D’autres préoccupations sont plus importantes : insécurité financière, surcharge de travail, solitude.
  • Malgré le stress, les dirigeantes ont un niveau de satisfaction élevé (7,7/10) concernant leur épanouissement personnel.