Etude CMA-FRANCE / ISM

L’Institut Supérieur des Métiers a réalisé pour le compte de CMA-France, une étude sur l’artisanat dans les Quartiers Prioritaires de la Ville. Ce travail inédit permet de caractériser le profil de ces entreprises dans ces quartiers, d’analyser leurs modalités d’installation et de fonctionnement, ainsi que leurs
problématiques de développement.

Le poids du tissu artisanal dans ces territoires est en effet important : plus d’une entreprise sur trois des Quartiers Prioritaires de la Ville est une entreprise artisanale, soit 150 000 entreprises artisanales (et 5% du total des entreprises artisanales). Ce nombre d’entreprises est par ailleurs en forte hausse dans les quartiers : il a augmenté de moitié entre 2019 et 2022 (+45%).

Le tissu artisanal dans ces quartiers présente des caractéristiques singulières :

  • par rapport à la population, il est plus dense : 29 établissements pour 1 000 habitants, contre 23 en moyenne nationale. La densité est toutefois très variable d’un quartier à l’autre (et parfois accrue artificiellement par la présence de sociétés de domiciliation).
  • la composition sectorielle est polarisée autour de quelques secteurs. 75% des entreprises sont actives dans 15 activités. Trois activités sont particulièrement sur-représentées : les taxis/VTC (10% des artisans en QPV, 25% dans les QPV d’Ile-de-France) ; la fabrication de plats à emporter ; la vente de produits alimentaires sur marchés.
  • le tissu d’entreprises artisanales est dominé par la micro-entreprise : 58% des entreprises de plus de 2 ans sont des micro-entreprises. La majorité des entreprises sont en effet créées sous le régime du micro-entrepreneur, dont plus d’un quart sont inactifs économiquement. Le turn-over des entreprises est en conséquence très élevé. Un noyau dur d’entreprises pérenne est néanmoins présent dans les quartiers : un quart des entreprises ont de plus de 10 ans d’ancienneté, dont des micro-entreprises pérennes.

Concernant le portrait des artisans, l’étude met en exergue les points suivants :

  • une forte présence d’artisans issus de la diversité : un artisan sur quatre en QPV est né à l’étranger (un tiers des hommes), contre 16% en moyenne (en Ile de France, cette part est de 40%, et même 58% en Seine-Saint-Denis). Le pouvoir d’intégration de l’artisanat est donc confirmé.
  • le choix des métiers est encore plus genré dans les QPV.
  • les artisans des QPV sont moins souvent diplômés dans le métier de leur entreprise.

L’analyse du parcours des artisans va à l’encontre de certaines idées reçues :

  • Les difficultés d’accès à l’emploi ne sont pas le principal moteur de la création d ‘entreprise : 54% des artisans des QPV étaient salariés avait de créer leur entreprise, 8% étaient déjà à leur compte. La part d’anciens demandeurs d’emploi est relativement limitée (25%). En revanche, la part d’anciens inactifs ou étudiants est plus élevée qu’en moyenne.
  • Les moteurs de la création d ‘entreprise en QPV sont donc plutôt indépendants de la situation économique de ces quartiers. Les installations contraintes (« pas d’autre solution d’emploi ») n’ont concerné qu’un artisan sur 10.
  • Comme pour les autres artisans, les principaux moteurs de création d’entreprise sont le souhait d’être indépendant (47%) et la passion pour un métier (30%).

L’étude montre enfin la difficulté de ces entreprises à se développer. Le niveau d’activité est jugé insuffisant par les 2/3 des artisans interrogés.

  • une majorité d’artisans fonctionnent dans une logique d’auto-emploi (les trois-quarts n’ont pas de salarié ; parmi les salariés des entreprises artisanales, seuls 10% sont recrutés dans le quartier). 5% forment des apprentis.
  • les entreprises sont peu visibles dans les quartiers, sauf pour ce qui concerne l’artisanat commercial. Une majorité d’entreprises sont nomades et domiciliées au logement de l’artisan.
  • les deux tiers des artisans sont inscrits sur des plateformes numériques pour trouver des clients (une proportion beaucoup plus importante que pour l’ensemble des artisans).
  • les entreprises sont très dépendantes de la clientèle extérieure au quartier : seul ¼ d’être elles dispose d’une clientèle dans le quartier.
  • les revenus d’activité sont insatisfaisants pour deux artisans sur trois. Ces résultats sont d’autant plus préoccupants qu’il s’agit d’une activité principale pour 80% d’entre eux (11% cumulent avec un emploi salarié, 6% ont une autre entreprise, 1% est retraité).

La principale difficulté de ces entreprises est de trouver leur marché (une caractéristique d’ailleurs commune à l’ensemble des micro-entrepreneurs).

Face à ces problèmes, un tiers des artisans sont totalement isolés et ne bénéficient d’aucun accompagnement. 20% déclarent manquer de réseaux professionnels. Peu mobilisent les réseaux de conseil (la CMA est le premier réseau mobilisé, par un quart des artisans en QPV). Pourtant, près de la moitié espèrent pouvoir développer leur activité. Moins d’une sur dix envisage de déménager.

Méthodologie : L’étude a été menée d’une part en analysant la population des entreprises artisanales localisées en QPV, d’autre part en interrogeant un échantillon de 1320 entreprises artisanales localisées en QPV.

Voir également l'étude CMA-France/ISM consacrée à l'apprentissage dans les QPV