L’ISM a présenté lors du Printemps des Fromagers réuni les 26 et 27 mars à Reims, une enquête réalisée pour le compte de la Fédération des Fromagers de France. L’étude, menée à l’appui d’une enquête auprès de 550 professionnels du secteur, visait à mesurer la santé du secteur, dans un contexte de sortie de crise sanitaire.

Dénombrer les crémeries-fromageries est un exercice difficile, car le secteur ne dispose pas d’un code d’activité ad hoc depuis 2008. L’étude chiffre à 4030 lke nombre d’établissements actifs début 2023. Les établissements répertoriés sont ceux qui se sont définis en tant que crémiers-fromagers dans leur objet social ou dans les annuaires professionnels. La liste n’est probablement pas exhaustive, car de plus en plus d’établissements diversifient leur offre de produits : ils sont cavistes, traiteurs en même temps que crémier-fromager ou proposent une gamme élargie d ‘épicerie fine.

Pour mémoire, le métier connaît un renouveau depuis une décennie :

  • 1960/2000 : baisse du nombre d’entreprises (de 4600 magasins en 1960 à 1100 en 1998)
  • 2000/2010 : stabilisation
  • 2010-2020 : forte progression des immatriculations (4030 fin 2022)

La diversification des activités des crémiers-fromagers engagée depuis une dizaine d’années se poursuit, avec le développement de magasins hybrides etd e magasins de produits frais.

  • les deux tiers des crémiers-fromagers proposent également des produits d’épicerie et des boissons. L’offre en produits régionaux concerne un professionnel sur deux (le double positionnement fromages/produits régionaux est très fréquent dans les régions fromagères). La vente de produits frais est moins répandue (un professionnel sur 7).
  • un crémier-fromager sur 10 propose désormais une activité de restauration (bar à fromages, ou plats cuisinés, voire restauration sur place).
  • l’activité événementielle concerne désormais un professionnel sur sept.

La densité d’établissements est plus forte dans les territoires de production fromagère (présence de boutiques en vente directe des producteurs, dont l’offre s’adresse autant à la population locale que touristique). La Région Auvergne-Rhône-Alpes est la 1ere en nombre d’établissements (1 établissement sur 5).

Des créations d’établissements ont été enregistrées ces trois dernières années dans la quasi-totalité des départements. La dynamique de renouvellement du tissu (à savoir le nombre de créations rapporté au nombre d’entreprises existantes) est toutefois plus importante là où l’activité était la moins développée, notamment en régions Bretagne, Pays de la Loire, Centre Val de Loire, Hauts de France, littoral méditerranéen.

Les créations sont toutefois en baisse depuis 2020 et la crise sanitaire :

  • Le pic d’installations a eu lieu en 2019.
  • Le nombre d’établissements créés ces trois dernières années semble en recul : un tissu d’entreprises en phase de maturation ?

36% des emplois salariés sont concentrés en Ile-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes. 69% des établissements de crémerie-fromagerie fonctionnent avec une équipe de 3 personnes au maximum , y compris le(a) dirigeant(e).

L’enquête menée confirme le mouvement de stabilisation des effectifs. L’évolution de l’emploi salarié dans les régions sur les trois premiers trimestres est contrastée selon les régions :

  • un recul est déjà engagé dans les régions Ile-de-France, Bourgogne-Franche-Comté et Nouvelle Aquitaine.
  • le solde des emplois reste orienté à la hausse dans les autres régions.

En matière de formation en alternance :

  • l’apprentissage est trois fois plus développé que le contrat de professionnalisation.
  • les deux principaux diplômes préparés dans les entreprises de la branche sont : en contrat de professionnalisation, le CQP Vendeur conseil en crémerie-fromagerie ; en apprentissage, le BTS Management Commercial Opérationnel.

La crise sanitaire a en effet conduit à une hausse de la consommation des produits laitiers et a eu un impact globalement positif sur l’activité des crémiers-fromagers.

Les chiffres définitifs pour l’année 2022 ne sont pas encore publiés. Toutefois, l’enquête auprès des professionnels montre un retournement de tendance concernant l’activité du secteur : comparativement à 2021 et malgré la hausse des prix des produits fromagers, le chiffre d’affaires réalisé est en baisse pour la moitié (51%) des entreprises.

Le niveau d ‘activité en 2022 affiche néanmoins un niveau stable ou supérieur à celui de l’année 2019 et de la situation d’avant-crise sanitaire.

  • Les établissements ayant une activité mixte, à la fois en magasin, en halles ou sur les marchés, réalisent un chiffre d’affaires plus élevé.
  • Les entreprises nouvellement créées ont un CA moins élevé (pour 59% inférieur à 200.000 euros).

Pour mémoire, l’année 2022 a été marquée par la baisse du volume d’achat des consommateurs en produits fromagers et laitiers, qui a touché tous les réseaux de distribution. L’ajustement des achats est lui-même lié à la hausse des prix du fromage et des produits laitiers Selon l’enquête FFF/ISM, les prix fournisseurs se sont accrus majoritairement de 10 et 14%, quels que soient les types de fromages (la hausse est un peu moins prononcée pour les pâtes persillées). Seuls 31% des crémiers-fromagers ont répercuté ces hausses en totalité sur leurs prix de vente. Un tassement des marges devrait s’ensuivre

Le recul du nombre de clients est plus massif et est cité par 42% des crémiers-fromagers interrogés. La baisse est plus prononcée pour les professionnels ne proposant que des produits laitiers et fromagers, ou ceux qui ont une offre connexe de restauration. Le recul semble en revanche moins important pour les professionnels non sédentaires : pour ces derniers, la baisse d’activité provient plus fréquemment d’une érosion du panier moyen d’achats. Dans ce contexte morose, plus d’un quart des établissements affichent néanmoins des indicateurs en hausse !

L’enquête FFF/ISM confirme également la contraction des ventes. 31% des professionnels interrogés signalent un recul du panier d’achat moyen. Ce recul des achats de produits fromagers a également été constaté dans les autres circuits (grandes surfaces commerciales). La baisse du pouvoir d’achat des consommateurs a contraint les clients à des arbitrages en matière d’achat, arbitrages manifestement défavorables aux produits fromagers.

Une crise a succédé à une autre… La situation des professionnels vis-à-vis de la question énergétique varie en fonction du type d’activité (site unique ou mixtes), fréquence des déplacements et contrats d’énergie.

  • Globalement, l’impact paraît négligeable pour un tiers des établissements, et relativement modéré pour la moitié.
  • Une entreprise sur 10 paraît néanmoins fortement impactée, sans incidence notable toutefois sur leur situation financière actuelle.

Une stabilisation des emplois salariés en 2022

Les 3 premiers trimestres 2022 ont été marqués par une relative stabilisation de l’emploi comparativement aux mêmes trimestres de l’année précédente (+2%), après la forte progression enregistrée en 2020 (+8%). Un ralentissement est perceptible : au 3e trimestre, l’emploi est stable par rapport à l’année précédente.

Cette stabilisation était attendue dans le contexte de « normalisation » de l’activité, après les fortes hausses enregistrées pendant la crise sanitaire. 

  • en matière d’emplois, les perspectives sont ainsi majoritairement orientées vers une stabilisation des effectifs.
  • 13% des professionnels envisagent d’augmenter l’effectif (26% parmi les développeurs)
  • 8% des établissements envisagent une baisse des effectifs (une part qui se monte à 16% parmi les établissements en difficulté).

Malgré le tassement de l’activité, la situation financière des crémiers-fromagers reste globalement saine pour près de 80% des établissements, quelle que soit l’offre produits (à noter : les professionnels exerçant à la fois en magasin et sur halles ou marchés sont un peu plus souvent en situation financière difficile).

  • 75% des entreprises créées après 2020 sont également dans une situation financière saine.
  • La dynamique d’équipements est assez importante (plus de la moitié des entreprises ont investi en 2022).
  • Les professionnels ayant injecté des fonds personnels dans l’entreprise sont pour partie en situation difficile ; d’autres ont participé aux investissements.

Avec une note moyenne de 7/10, les professionnels restent néanmoins confiants vis-à-vis du secteur et de leur entreprise, quel que soit leur mode d’exercice (sédentaire, non sédentaire).

La valse des prix et ses conséquences interroge néanmoins les professionnels : de nouvelles hausses attendues en début d’année 2023 (fromages et produits laitiers, mais aussi énergie, salaires, transports…). Le fromage devient un produit de luxe :

  • Désertion d’une partie de la clientèle, risque de circonscrire la clientèle aux CSP+ et la consommation aux « grands événements »
  • Des prix psychologiques sont franchis, même pour une clientèle aisée (ex : pour les fromages à l’unité, certains AOC/AOP….).
  • Pas de  « retour en arrière » : crainte de pérennisation de ces niveaux de prix, même si la sortie de crise s’amorce.

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