Mise en place d’un Groupement d’Employeurs pour l’Insertion et la Qualification (GEIQ) dans les secteurs de proximité

Etude d’opportunité dans les secteurs de proximité (2020)

La phase de consultation, conduite en février-mars 2020, a permis de cibler trois secteurs pour l’expérimentation d ‘un GEIQ des secteurs de
proximité : l’artisanat du bâtiment ; dans l’alimentation, les secteurs de la boulangerie, de la boucherie et de la fromagerie ; les services automobiles.

L’analyse documentaire montre des besoins de recrutement croissants dans les métiers concernés :
  • Artisanat , commerce alimentaire et hôtellerie restauration : le nombre d’emplois salariés est en progression dans tous les secteurs, sauf dans l’artisanat de fabrication.
  • Les besoins de recrutements sont en hausse dans l’ensemble de ces secteurs d’activités en Ile de France entre 2017 et 2020.
Les difficultés de recrutement sont d’autant plus élevées : 20% des entreprises artisanales franciliennes déclarent avoir des emplois non pourvus
  • Les métiers du bâtiment, de l’alimentation et de l’automobile sont en tension structurelle.
  • L’enquête Besoins de Main d ‘OEuvre de Pôle Emploi confirme la forte progression des projets et des difficultés de recrutements dans ces secteurs depuis 2016. Les difficultés de recrutement sont par ailleurs globalement plus élevées dans les entreprises de moins de 20 salariés que dans les PME et grandes entreprises
Pourtant, le chômage de longue durée est en hausse

Avec un total 1 080 000 demandeurs d’emploi en février 2020, la demande d’emploi est relativement stable en Ile-de-France depuis 2017. En revanche, le chômage de longue durée (supérieur à 1 an) progresse : il concerne 43% des inscrits à Pole Emploi contre 32% en 2009. Près de la moitié des demandeurs d’emploi de longue durée ont plus de 50 ans.

Le taux de chômage des jeunes franciliens de moins de 25 ans est également élevé : 16%.

Le marché de l’emploi francilien se caractérise enfin par la part de demandeurs d’emploi de nationalité étrangère 25 4% en 2016 contre 12 6% en moyenne nationale.

Les publics fragiles : près de 560.000 personnes éloignées de l’emploi

En Ile de France, selon le rapport de Défi Métiers*, les publics fragiles (qui sont les publics cibles des GEIQ) regroupent les jeunes ou adultes
éloignés de l’emploi depuis au moins un an, peu ou pas diplômés :

  • 120.000 NEET (jeunes de 16 à 25 ans ni en emploi ni en formation, non diplômés ou diplômés de niveau 3, inscrits à Pole Emploi ou non) ;
  • 440.000 demandeurs d’emploi de 26 ans ou plus, peu ou pas diplômés (max : niveau 3, y compris les non diplômés de niveau 4).
  • Un cinquième du « public fragile » vit en Seine Saint Denis.

Globalement, les demandeurs d’emploi peu ou pas diplômés ont moins souvent accès à la formation :

  • En 2018, sur les 85.000 demandeurs d’emploi ayant bénéficié d’une formation, 42% (soit 35.810) étaient peu qualifiés (détenteurs d’un diplôme de niveau 3 ou
    inférieur, ou ayant un niveau BAC sans l’avoir obtenu).
  • seuls 7260 demandeurs d’emploi de longue durée et peu qualifiés ont bénéficié d’une formation (soit 8%).
Des entreprises très investies dans l’alternance, mais plutôt dans l’apprentissage

Dans l’artisanat francilien, l’apprentissage est plus utilisé que le contrat de professionnalisation . Selon l’enquête de conjoncture 2019 de la CMAR Ile-de-France, 6% des entreprises artisanales ayant embauché en 2018 ont recruté un apprenti (18% dans l’alimentation ), contre 1% de stagiaires en contrat de professionnalisation. Les contrats de professionnalisation sont quasi-inexistants dans l’artisanat de l’alimentation.

L’enquête ACEMO TPE de la DARES confirme la prépondérance de l’apprentissage dans les TPE de moins de 10 salariés (tous secteurs dont ceux de l’artisanat), comparativement aux contrats de professionnalisation : on compte cinq fois plus de contrats d’apprentissage que de contrats de professionnalisation .

Globalement, les effectifs formés aux métiers de l’artisanat sont faibles au regard du tissu d’entreprises et des besoins de recrutement. Les tensions sur le marché du travail sont donc liées en grande partie au moindre renouvellement des emplois par la formation initiale dans la région francilienne. A titre d’exemple, les métiers du bâtiment sont très peu attractifs pour les jeunes issus du collège.

La disponibilité de main d’oeuvre en provenance d’autres régions de France ou de pays étrangers pallie la faiblesse des effectifs sortant de formation initiale et formés aux métiers d’ouvriers et d’employés, notamment dans le Bâtiment.

Selon les consultations menées, les principaux arguments favorables à la constitution d’un GEIQ des secteurs de proximité sont la difficulté structurelle à recruter une main d‘oeuvre qualifiée dans les secteurs ciblés et l’appui apporté par le GEIQ dans le recrutement :

  • délégation et sécurisation de l’embauche : la personne recrutée par le GEIQ est formée pour le poste à occuper dans l’entreprise
  • élargissement des voies de recrutement
  • gestion des aspects connexes au contrat (problèmes sociaux, logement, santé, budget familial…)
  • préservation de l’enveloppe affectée à la formation des salariés
  • possibilité de « recruter » par le biais d’un GEIQ, pour les entreprises ayant dû précédemment licencier.

Principaux atouts et opportunités pour les entreprises des secteurs ciblés

  • Des besoins de recrutement tendanciellement en progression
  • Des besoins d’accompagnement en matière de recrutement
  • Dans les secteurs ciblés, un accès possible à l ’exercice des métiers avec des diplômes, titres, certifications de niveau 3
  • Une forte culture de l’alternance (mais plutôt de l’apprentissage).
  • Pour les entreprises artisanales de taille importante, la possibilité, à travers le GEIQ, d’étendre les moyens financiers dis pon ibles pour la formation
  • Un réservoir de demande d’emploi en région : demandeurs d’emploi longue durée en déficit d’employabilité, réfugiés
  • Un réservoir de NEET
  • Une offre de formation continue relativement riche

Mais les obstacles sont également nombreux à la mise en place d’un tel projet :

  • les TPE recherchent généralement du personnel immédiatement opérationnel (la formation doit donc être concentrée en amont de la mise à disposition) ;
  • pour former à moyen terme, les autres solutions de formation abondent à un coût moins élevé, notamment l’apprentissage.

Faiblesses / menaces pour les entreprises des secteurs ciblés

  • La taille de l’entreprise artisanale induit moins de flexibilité dans la gestion des emplois : les besoins de recrutement portent sur des profils
    immédiatement opérationnels.
  • La mise à disposition d’un salarié via un GEIQ a un coût significativement plus élevé pour l’entreprise que celui de l’apprentissage.
  • La formation en alternance et l’abondance des projets d’insertion sont autant de solutions qui fonctionnent sans nécessiter la constitution d’un GEIQ. Les branches les plus utilisatrices des contrats en alternance et notamment de l’apprentissage utilisent d’ailleurs peu les GEIQ à l’échelle du territoire national : coiffure, HCR, réparation automobile, commerce de l’alimentation.
  • Les petites entreprises ont des difficultés à se fédérer dans le cadre de projets collectifs, singulièrement en Ile de France.
  • La crise sanitaire actuelle et la crise économique qui s’annonce : un contexte peu favorable au recrutement et à la mobilisation des entreprises.

Une enquête a été menée dans un second temps pour approfondir cette étude d’opportunité. Les résultats confirment le faible recours des entreprises artisanales aux services de l’emploi (Pole Emploi, Missions locales), leurs difficultés de recrutement et l’importance des emplois non pourvus dans les secteurs enquêtés :

  • Pour 44% des entreprises ayant cherché à recruter, le poste n’a pas été pourvu (pour 28% en l’absence de réponse à l’offre ; pour les autres, en raison principalement du manque de compétences des candidats).
  • 1/3 des entreprises ont des besoins de compétences non disponibles sur le marché du travail.
  • Pour répondre à leurs besoins, la moitié des répondants à l’enquête sont ouverts à former des jeunes sans qualification, des demandeurs d’emploi longue durée ou des adultes en reconversion.

L’échantillon de réponses met également en relief les principaux obstacles à l’émergence d’un GEIQ :

  • Avant tout la difficulté à mobiliser les entreprises sur ces questions (dont témoigne le faible nombre de répondants à l’enquête, même si la période était peu favorable.
  • La faible proactivité des entreprises en matière de recrutement : les entreprises sont ainsi démarchées pour la majorité des embauches d’apprentis, que ce soit par les apprentis ou des organismes intermédiaires (les CFA). Autrement dit, si les entreprises sont susceptibles de recourir à des contrats en alternance –voire à un GEIQ, il parait plus aléatoire qu’elles soient à l’initiative du projet.
  • La faible connaissance du contrat de professionnalisation (méconnu par un tiers des entreprises ) ou la moindre appétence pour ce dispositif en raison de son coût.

Face aux constats posés, les préconisations suivantes ont été soumises à discussion :

  • Déployer une démarche pédagogique pour mieux informer les entreprises sur les solutions de formation (contrats aidés, aides de Pole Emploi) et sur les acteurs de l’emploi. Ces actions d’information doivent cibler les entreprises employeuses (une porte d’entrée étant les entreprises recrutant des apprentis ou recourant aux services de Pole Emploi, cela à travers un partenariat avec les CFA et/ou Pole Emploi).
  • Déployer les prestations d’appui au recrutement (près de la moitié des entreprises sont favorables à déléguer leurs recrutements à des organismes tiers).
  • Pour répondre aux besoins de recrutement des entreprises, confier à des organismes tiers (organisations professionnelles, centres de formation) l’organisation d’actions de formation en direction de demandeurs d’emploi, adultes en reconversion ou jeunes sans qualification…. sans pour autant ancrer ces actions dans la un GEIQ, dont la création pourrait intervenir a posteriori.