Extraits de l’intervention de Mme Catherine Elie lors du séminaire des directeurs de la formation et de l’apprentissage du réseau des Chambres de métiers et de l’artisanat, 5 décembre 2021
Dans sa note d’information n° 21.30 de Juillet 2021, la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance publiait les chiffres de l’apprentissage de l’année scolaire 2020/21. Ces chiffres font état d’une hausse spectaculaire et historique du nombre d’apprentis scolarisés au 31 décembre 2020 : 629.600 (soit+31,5% par rapport à l’année précédente). Cette hausse va-t-elle concerner également les métiers de l’artisanat ?
La hausse des effectifs concerne principalement les diplômes de l’enseignement supérieur, une tendance amorcée dans les années 2000 suite à la réforme LMD (licence, master, doctorat) et à l’ouverture de ces diplômes à l’apprentissage.
En 2020/21, la cohorte d’apprentis en BTS a progressé de 30.000 étudiants (+72% par rapport à l’année 2019/20), celle des apprentis dans les autres diplômes de l’enseignement supérieur de 90.000 (+32%). Les gains du recrutement dans les diplômes de niveau 3 et 4 sont plus modestes. Dans l’attente d’une analyse plus fine de ces chiffres pour ce qui concerne les apprentis formés dans les entreprises artisanales, on peut donc supputer une hausse plus modeste de l’apprentissage dans ces secteurs, en raison du fort positionnement des apprentis de l’artisanat dans les diplômes de niveau 3 (CAP et mentions complémentaires).
La perte d’attractivité du CAP semble néanmoins stoppée.
Bonne nouvelle néanmoins, le nombre d’apprentis dans les niveaux 3 (ex V) et 4 (IV) progresse sensiblement (+5% en CAP). Ce retournement de tendance perceptible depuis 2015 se confirme donc, après une dizaine d’année d’hémorragie.
Plusieurs goulots d’étranglement et enjeux à relever pour le développement de l’apprentissage dans les entreprises artisanales.
Développer l’apprentissage dans les entreprises artisanales est de fait une tâche ardue, tout d’abord parce que cette filière de formation est déjà historiquement très présente dans de nombreux secteurs. C’est le cas notamment des métiers de l’alimentation : les entreprises artisanales de boulangerie forment ainsi
- L’apprentissage est déjà très développé dans certains secteurs de l’artisanat, notamment l’artisanat de l’alimentation. Dans ces métiers, il est probable qu’un plafond ait été atteint. Les effectifs sont d’ailleurs tendanciellement en baisse ces deux dernières années.
2. Le vivier de jeunes susceptibles d’entrer en apprentissage à l’issue du collège est en baisse, 80% des jeunes poursuivant désormais a minima leur scolarité jusqu’au BAC. Au total, 5% environ des jeunes sont orientés en apprentissage après la 3eme.
3. La majorité des jeunes et leurs parents veulent poursuivre leurs études. En conséquence, les titulaires d’un CAP – le premier diplôme permettant d’acquérir les compétences professionnelles nécessaires à l’exercice d’un métier – sont considérés comme « peu qualifiés ».
Les parcours de formation des jeunes évoluent et les voies d’entrée en apprentissage se diversifient.
- Le choix du métier et l’entrée en apprentissage interviennent de plus en plus tardivement. La voie d’entrée historique dans l’apprentissage (la fin du collège) concerne désormais moins d’une inscription sur deux. /3 des apprentis de l’artisanat en 1er année de diplôme sont en réorientation.
- La demande de formation émane de profils de plus en plus variés :
- Choix du métier dès la fin de 3e (90% ont choisi leur métier)
- Choix du métier en cours d’études secondaires (décrocheurs)
- Choix du métier après le BAC ou en cours de formation dans l’enseignement supérieur (5% des apprentis en CAP)
- Choix du métier après une première expérience professionnelle ou d’inactivité (dont jeunes NEET : environ 10% des apprentis)
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- Choix du métier dans le cadre d’un parcours de reconversion professionnelle (adultes) : formation continue accélérée
Les attentes et besoins de compétences des entreprises évoluent.
L’accès à l’emploi dans les entreprises artisanales est plus aisé pour les titulaires d’un diplôme de niveau 4. De nombreux jeunes restent sans emploi à l’issue d’un CAP, malgré les besoins de recrutement des entreprises.
L’exercice des métiers implique aujourd’hui une mobilisation plus forte de compétences transversales et de compétences en littératie et numératie. Des besoins de compétences « non techniques » qui reflètent la montée en qualification des emplois ».
De fait, les entreprises ont parfois des difficultés à trouver le profil d’apprenti recherché » :
- Contrairement à l’idée reçue, la filière d’apprentissage est plus sélective que la voie scolaire professionnelle (les entreprises sélectionnent le profil).
- Un potentiel de développement : le renouvellement des emplois par la formation initiale reste faible dans de nombreux métiers
- La taille de l’entreprise et la capacité d’encadrement sont un frein (hors les 2/3 des artisans travaillent seuls).
- Le coût peut être un autre frein, levé ces deux dernières années par les aides mises en place.
L’évolution des flux de formation dépend également de l’évolution de l’offre.
- La proximité d’un CFA est déterminante.
- Ouverture de nouveaux CFA.
- La voie scolaire professionnelle se développe dans certains métiers (ex : services automobiles, pâtisserie) : une voie de repli pour les jeunes qui n’ont pas trouvé d’entreprise d’accueil ?
- Un sortant de formation sur 10 prépare le diplôme en formation continue.
Quelques leviers d’action pour le déploiement de l’apprentissage
- Développer l’offre en direction des nouveaux publics (Jeunes NEET, décrocheurs, Bacheliers, Adultes en reconversion dont salariés en projet de reconversion)
- Mobiliser les entreprises : pour une même spécialité, le taux de pénétration de l’apprentissage (apprentis/entreprises potentiellement employeuses) varie de 1 à 10 selon les régions.
- Mieux répartir l’offre de formation : certaines spécialités ne sont pas préparées dans toutes les régions ; notamment, l’offre de formation aux métiers rares doit être construite et déployée à l’échelle des régions.