Conférence auprès de la Chambre de Métiers et de l’artisanat de l’Yonne
Le tissu industriel en Bourgogne-Franche-Comté
L’artisanat de production industrielle s’inscrit dans une longue tradition régionale. La Bourgogne-Franche-Comté, l’Yonne, sont des terres de tradition industrielle. La région est la première région industrielle de France et abrite des fleurons industriels, comme Areva, PSA. : 18% des salariés relèvent de l’industrie, contre 12% en moyenne nationale (c’était 28% en 1990). Dans certains territoires comme Le Creusot/Montceau-les-Mines, ce sont un quart à un tiers des emplois salariés qui relèvent de l’industrie. L’Yonne présente les mêmes caractéristiques, avec un salarié sur cinq travaillant dans l’industrie.
Trois secteurs d’activité dominent dans la région : parmi les activités surreprésentés, les spécialités régionales, figurent :
- la métallurgie et la fabrication de produits métalliques,
- la fabrication de produits de machines et équipements, ainsi que d’autres activités très reliées à la sous-traitance industrielle comme la fabrication de matériel de transport ou de produits en caoutchouc et plastique.
Ces spécialisations sont bien plus importantes que la fabrication de produits alimentaires, emblématique de la région, mais dont le poids en terme d’emplois est inférieur au niveau national.
Le département de l’Yonne présente des spécialisations similaires : la métallurgie est présente dans les zones d’emploi d e Chatillon-sur-Seine, le caoutchouc à Avallon. La métallurgie est aussi présente à Sens, le tissu étant plus diversifié sur Auxerre. Le département abrite de nombreuses entreprises fabricant du matériel de transport ou sous-traitantes de la filière automobile
Poids de l’artisanat dans le tissu industriel régional
Là où il y a de l’industrie, il y a obligatoirement de l’artisanat, cela pour plusieurs raisons :
- l’artisanat est une composante de l’industrie : la quasi-totalité des entreprises de moins de 20 salariés des secteurs manufacturiers relèvent de l’artisanat et sont immatriculées en Chambre de métiers et de l’artisanat.
- Elles pèsent en nombre : 75% des entreprises industrielles sont artisanales.
- La petite taille garantit une meilleure adaptabilité, ce qui est souvent une condition de survie dans des secteurs en mutation.
- Les petits sont par ailleurs sous-traitants des plus gros, surtout depuis que de nombreuses fonctions ont été externalisées.
Si l’on prend en compte la famille artisanale, les entreprises artisanales relevant des activités manufacturières représentent près d’une entreprise artisanale sur cinq. Elles regroupent, en même temps que les TPE de la métallurgie et de la fabrication- réparation de machines, les TPE agro-alimentaires, celles du textile-habillement, du bois-ameublement, de l’extraction, du verre, de la céramique, de la plasturgie, de l’électronique, de la bijouterie, de la facture instrumentale…
A nouveau la région Bourgogne Franche Comté se caractérise par l’importance de ce tissu d’entreprise. Elle est N°1 devant la région Pays de La loire. Le tissu est également dense en Bretagne, mais cette densité doit plus aux TPE agro-alimentaires qu’à celles de la métallurgie.
Les TPE du travail des métaux, de fabrication et réparation de machines, sont celles qui pèsent le plus lourd en nombre d’emplois. Ce sont souvent les TPE les plus grosses de l’artisanat, avec une taille moyenne de 6 salariés (même si certains artisans exercent seuls, comme en maintenance industrielle).
Cet ensemble de secteurs comprennent la majorité des entreprises artisanales de sous-traitance de l’industrie.
Les principales spécialités sont la chaudronnerie et la mécanique générale, mais aussi la fonderie, le traitement des métaux, le décolletage, la boulonnerie, l’installation et la maintenance d’équipements. Les autres activités connexes représentées au sein du groupe sont celles de la fabrication d ‘articles métalliques, la menuiserie métallique, secteur à cheval avec le BTP, le conseil-ingénierie.
Le maintien de ces savoir-faire dans l’artisanat n’est pas surprenant pour les historiens. Car la chaudronnerie est née dans l’artisanat, on parlait alors d’industries de métiers. Le compagnonnage est demeuré actif dans la chaudronnerie, les savoir-faire étant toujours transmis dans les réseaux de compagnons du devoir.
Concernant les activités de pure sous-traitance industrielle, le tissu d’entreprises artisanales (environ 25000 pour toute la France) peut sembler négligeable au regard du 1,3 million d’entreprises que compte l’artisanat. Replacé dans ce système, les TPE représentent 82% des entreprises, un quart des emplois salariés et 22% du CA. Notons que la métallurgie est le seul secteur où les TPE sont surreprésentées en Bourgogne-Franche-Comté.
Quel est le poids en région de ces secteurs ?
On compte dans la région 2400 entreprises dans le travail des métaux et la réparation de machines, dont près de 1700 entreprises de pure sous-traitance industrielle. Si l’on évalue ce tissu à l’aune de la population, la Bourgogne Franche Comté est la 2nde région en terme de densité d’entreprise de sous-traitance industrielle par rapport à la population, derrière la région Auvergne Rhône-Alpes et devant la région Grand-Est.
Ces entreprises emploient 8600 salariés, soit 12,5% des emplois salariés de l’artisanat. 1 salarié sur 8 travaillent donc dans ces entreprises. A noter que la majorité des salariés travaillent dans les secteurs du métal (6400). 2200 travaillent dans les activités de maintenance (les entreprises sont plus petites). Contrairement à la tendance générale, les emplois sont stables dans ces activités.
Concernant le seul périmètre de la sous-traitance industrielle, les salariés sont au nombre de 6400 dans l’artisanat. L’évolution des emplois était t orientée à la baisse entre 2012 et 2016, une tendance partagée avec de nombreuses régions, et notamment les régions voisines de la Bourgogne-Franche-Comté. Seules 3 régions ont accru leurs effectifs sur la période : Pays de la Loire, l’occitanie et la Corse.
Dans l’Yonne, on compte 240 entreprises dont 175 des activités de sous-traitance industrielle. Il s’agit donc bien d ‘un club.
Les entreprises irriguent tout le territoire, même si elles sont plus présentes autour des grosses agglomérations (Auxerre dans l’Yonne, Dijon, Besancon, Belfort, Chalon sur Saône), mais une bonne moitié se trouve localisée à l’écart des grands pôles urbains.
En commune rurale, leur contribution à l’économie rurale peut être importante, même si ces entreprises en BtoB sont souvent transparentes au regard de la population, en tout cas moins visibles que l’artisanat commercial.
Palmarès des activités dans le département :
- Réparation de machines / équip. Mécaniques (54 entreprises) – ex JPTAT, RBS maintenance industrielle
- Mécanique industrielle (36 entreprises) ex JERA Tournage Fraisage
- Fabrication de structures métalliques (18 entreprises) : ex CAVOIS, Chaudronnerie industrielle
- Traitement et revêtement des métaux (14 entreprises)
- Installation de structures métalliques, chaudronnées (13 entreprises)
- Fabrication d’autres articles métalliques : SARL AD METAL, TFI, Tolerie Chaudronnerie Serrurerie
- Découpage, emboutissage
Des secteurs d’emploi qui recrutent
Gros employeurs, ces entreprises jouent un rôle également de professionnalisation des jeunes dans les territoires, à travers l’apprentissage.
L’insertion professionnelle de ces jeunes est élevée : sept mois après la sortie de formation, 79% des anciens apprentis sont en emploi, contre 76% en France métropolitaine. Les entreprises artisanales du département du Doubs forme le plus grand nombre d’apprentis dans ces secteurs : 154.
En Bourgogne comme au plan national, si l’industrie a perdu des emplois, au gré de sa restructuration, la valeur ajoutée industrielle n’a cessé de progresser. Autre mutation, les entreprises sont moins grosses, il y a de plus en plus de petites et moyennes entreprises dans ces activités.
Le tissu s’est beaucoup transformé ces 30 dernières années, un tiers des emplois salariés ont été perdus, conséquence de l’automatisation. Face à ces changements, les TPE ont également dû pour survivre trouver leur place dans la chaîne de valeur industrielle, ce qu’elles ont fait en développant des savoir-faire de spécialités, de petite série ou de sur-mesure.
Cette mutation se poursuit. Alors que certaines régions se vident de leur tissu productif, celui-ci reste plus développé en Bourgogne-Franche-Comté dans ces activités (le tissu régional est en revanche sous-équipé pour les activités du tertiaire et des services).
De nombreux enjeux, en sortie de crise
En raison de cette spécialisation industrielle et de ses mutations, la croissance économique de la région BFC est en-dessous des taux moyens. La crise de 2008 a touché la région. Un rebond s’observe depuis 2014 et certains territoires ont renoué avec la bonne santé économique, notamment Dijon et le Sud-Est de la région, ainsi que la frontière suisse. A noter également : les taux de chômage et de pauvreté sont inférieurs aux taux nationaux.
Dans les années qui viennent, l’industrie va continuer à perdre des emplois. Cependant, dans le même temps les différents secteurs de la métallurgie continueront à recruter. Malgré la baisse du nombre d’emplois industriels, la métallurgie n’a jamais cessé de recruter. En effet, les différentes branches ont subi une vague de départs à la retraite plus importants encore que les baisses d’effectifs. Les départs ont dû être compensés par des embauches et cette tendance va se poursuivre voire s’amplifier dans les années à venir.
Près d’un tiers des salariés partiront en effet à la retraite d’ici 2020. Or, la métallurgie est peu attractive auprès des jeunes – des métiers peu connus des spécialistes de l’orientation. Les spécialités, régleurs, soudeurs, décolleteurs, polisseurs sont en sous effectifs et les besoins de recrutement sont supérieurs à ceux des autres familles professionnelles.
De nouveaux enjeux se profilent, après avoir déjà subi des transformations importantes au cours des décennies précédentes : les produits, les spécialisations, les technologies de production, l’organisation même de la production ainsi que les marchés (sectoriels et géographiques), les clients ont évolué.
Le contexte réglementaire a lui aussi évolué, avec le renforcement des normes environnementales et l’accent croissant sur le recyclage en réponse à l’évolution de la demande sociétale, le durcissement des exigences en matière de conditions de travail et de protection de la santé, notamment.