Cette étude réalisée par l’Institut Supérieur des Métiers pour l’Union des Entreprises de Proximité analyse l’évolution de l’apprentissage dans les entreprises artisanales, commerciales et libérales, pour ce qui concerne l’année scolaire 2020-21.

L’année scolaire 2020-21 est la seconde organisée dans le cadre rénové de l’apprentissage mis en place par la Loi du 5 septembre 2018 pour la Liberté de choisir son avenir professionnel. Les chiffres, les évolutions constatées montrent pourtant une rupture par rapport à l‘année 2019-20. Sans doute faut-il y voir les conséquences des mesures d’aides exceptionnelles du Plan « Un jeune, une solution ». Les aides financières mises en place par les pouvoirs publics entre juillet 2020 et décembre 2022 (une aide aux entreprises de 5.000 euros pour la première année de formation d’un apprenti mineur, 8 000 euros pour le recrutement d’un apprenti majeur) ont en effet fortement incitatives pour les entreprises, à un niveau sans précédent.

En effet, le nombre d’apprentis formés dans les entreprises de proximité a atteint un score historique : 245 800 apprentis ont été accueillis, soit une progression spectaculaire de 18% des effectifs. Les entreprises de proximité, qui emploient 40% du total des apprentis, ont donc été un creuset dynamique pour le déploiement de cette filière de formation.

Cette étude s’attache à décrypter les caractéristiques de ce bond de l’apprentissage dans les entreprises de proximité et la façon dont les mesures publiques ont pu actionner les trois composantes de l’écosystème de l’apprentissage : les entreprises, leur capacité à accueillir et former des apprentis ; les apprentis, leur orientation vers cette filière de formation et leur appétence pour les métiers proposés ; les CFA, désormais plus autonomes pour définir l’offre de formation.

Premier constat, la hausse des inscriptions en apprentissage présente un caractère globalisant, dans la mesure où elle concerne la quasi-totalité des secteurs et des territoires. C’est en quelque sorte un « tsunami » qui a renforcé l’attractivité de l’apprentissage pour l’ensemble des acteurs, dans un contexte économique pourtant teinté d’incertitude (la crise sanitaire persistante).

La dynamique a bénéficié aussi bien aux secteurs « historiques » de l’apprentissage (l’artisanat de l’alimentation, du bâtiment, les services automobiles, la coiffure, les soins de beauté, la fleuristerie, la pharmacie, les professions comptables) qu’à de nouveaux acteurs (le commerce d’optique, les transports ambulanciers, les assurances, le conseil en affaires, les services informatiques….). Un seul secteur reste en retrait (l’hôtellerie-restauration), une situation peut-être liée aux répercussions de la crise sanitaire.

Globalement, ces hausses permettent à la quasi-totalité des régions de retrouver ou de dépasser le nombre d’apprentis formés dans les secteurs de proximité en 2012-13.

Un autre résultat est d’avoir réussi à déployer l’apprentissage dans toutes les typologies d’entreprises, y compris parmi les entreprises sans salarié (la formation d’apprentis est passé de 14 000 en 2019-20 à 17 400 en 2020-21 dans ces entreprises, soit une progression de 24%). Les précédentes réformes avaient achoppé sur ce point. L’enjeu est d’autant plus important que le nombre d’entreprises sans salarié est croissant. En revanche, le nombre d’apprentis formés a baissé dans les entreprises de plus de 20 salariés.

L’analyse montre néanmoins d’importantes évolutions quant au profil et au parcours de formation des apprentis des secteurs de proximité.

Les gains en apprentis ont concerné exclusivement des diplômes de niveau BAC et supérieurs. Les inscriptions en CAP sont en baisse, bien que ce diplôme demeure, en volume, le premier diplômé préparé dans les secteurs de l’artisanat et de l’hôtellerie-restauration (la moitié des apprentis préparent un diplôme de niveau 3, dont 42% un CAP).

La réforme n’a donc pas réussi à mieux orienter vers l’apprentissage les jeunes issus du collège (au contraire, le nombre de jeunes entrant en CAP a baissé de 3 910 apprentis dans les entreprises de proximité, celui des inscriptions en Bac Pro de 790). Les « gains » d’apprentis en niveau 3, premier niveau de la professionnalisation, concernent soit des poursuites d’étude en mention complémentaire, soit des titres de la formation professionnelle.

La réforme a eu en revanche un impact favorable pour les autres diplômes de niveau 4 (BP, BTM, titres de niveau 4), ou bien ceux l’enseignement supérieur (BTS, diplômes de niveau 6 ou 7).

Ces chiffres s’inscrivent dans des tendances sociétales, à savoir l’attrait des jeunes pour le « BAC » et la poursuite d’étude. Cette demande a pu se concrétiser par la signature de contrats d’apprentissage par l’occurrence de deux facteurs :

  • l’émergence d’une offre de formation par apprentissage pour de nombreux BTS et diplômes de l’enseignement supérieur ;
  • la possibilité peut-être, pour les entreprises, grâce à un niveau d’aide plus important, de maintenir leurs précédents apprentis, en signant un nouveau contrat ou de recruter des apprentis plus âgés.

Cette réforme a donc le mérite de confirmer le potentiel d’emploi des petites entreprises, s’agissant d’apprentis en diplôme de l’enseignement supérieur. Elle se montre néanmoins impuissante à orienter plus massivement vers les premiers niveaux de professionnalisation.

Ces résultats seront à conforter par l’analyse des chiffres de l’année scolaire 2021-22. D’emblée, de nombreux défis sont néanmoins posés aux acteurs de la formation, au regard notamment de la nouvelle réforme attendue du Bac Professionnel et des aides à l’apprentissage :

  • l’orientation des sortants de collège (dont les cohortes vont diminuer dans les prochaines années en raison de la baisse démographique) vers le CAP ;
  • l’attractivité du CAP pour d’autres publics (jeunes issus du lycée ou de l’université en réorientation, jeunes sans emploi et sans qualification, adultes salariés ou demandeurs d’emploi en reconversion) ;
  • le devenir des CAP préparant aux métiers rares, dont le nombre de sites de formation a diminué ;
  • le développement du BTS dans l’offre actuelle de diplômes professionnels, ou du moins son articulation avec les autres diplômes de niveau 5 ou supérieurs (BM, BTMS).

Méthodologie

Ce tableau de bord tire sa source principale du Système d’Information sur la Formation des Apprentis (SIFA), dispositif piloté par la Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance (DEPP). SIFA offre une photographie de la situation des apprentis au 31 décembre de chaque année, sous l’angle de la « formation ». Les données collectées permettent de caractériser le profil des apprentis, des formations suivies et de l’entreprise d’accueil.
Ces données, mises à disposition par voie de convention, ont fait l’objet d’un traitement par l’Institut Supérieur des Métiers, afin d’isoler les apprentis en contrat dans des entreprises de proximité (entreprises immatriculées dans 392 codes d’activités, correspondant au périmètre d’activité de l’Union des Entreprises de Proximité) :

  • ceux de l’artisanat, ensemble juridiquement défini par la loi 96-603 du 5 juillet 1996, regroupant des activités de fabrication, transformation, réparation ou prestation de service réparties en quatre grandes familles (alimentation, BTP, fabrication, services) ;
  • ceux du commerce alimentaire de détail et de l’hôtellerie-restauration;
  • Ceux des professions libérales, qu’ils relèvent du droit, de la santé ou des professions techniques ou du cadre de vie.