Les entreprises de proximité au féminin : artisanat, commerce, professions libérales – Edition 2019

Encore aujourd’hui, peu de métiers se déclinent au féminin : maçonne, ambulancière, bouchère, chaudronnière, carrossière, chef cuisinière, chirurgienne… Ces professions déclinées « au féminin » sont encore peu familières à nos oreilles.

Globalement, l’image attachée aux métiers et aux entreprises de l’artisanat, de l’hôtellerie-restauration ou des professions libérales est celle d’un monde très masculin, ce qu’il a été effectivement au cours des siècles derniers : sous les corporations, l’exercice des métiers était réservé exclusivement aux hommes, à l’exception de la profession de couturière et des soins du linge ; les femmes étaient présentes dans les ateliers ou les boutiques, mais plutôt en tant que conjointe.

Afin d’objectiver la place actuelle de la femme dans le monde de la petite entreprise, l’Institut Supérieur des Métiers a réalisé pour le compte de l’Union des Entreprises de Proximité cette étude permettant de chiffrer l’emploi féminin au sein des entreprises des secteurs de proximité (artisanat, commerce alimentaire, hôtellerie-restauration, professions libérales). L’étude évalue la présence des femmes parmi les chefs d’entreprises, les salariés et les apprentis de ces entreprises. Dans cette nouvelle édition (la précédente date de 2016), deux nouveaux thèmes sont également abordés : la conciliation vie familiale / vie professionnelle par les dirigeantes d’une part ; les écarts de salaire entre hommes et femmes dans les secteurs de proximité d’autre part.

Les données collectées montrent que la place des femmes a dépassé largement le cadre anecdotique dans ce monde de petites entreprises : dans les secteurs de proximité, près de deux actifs sur cinq sont des femmes. Plus de 2,3 millions d’emplois sont ainsi occupés par les femmes :

  • Près de 800,000 dirigent une entreprise, soit près de deux dirigeants sur cinq.
  • 1.450.000 sont salariées (soit deux salariés sur cinq). Les conjointes salariées font partie de cet ensemble.
  • S’ajoutent à ces effectifs les conjointes ayant fait le choix du statut de conjointe collaboratrice (21.000) et 65.000 apprenties.

La répartition des femmes n’est pas homogène dans les différents secteurs. Les femmes sont beaucoup plus présentes dans l’artisanat des professions libérales de santé (elles y représentent 53% des chefs d‘entreprises, 88% des salariés et 69% des apprenties) mais aussi dans les professions libérales du droit et l’artisanat des services. La place des femmes est également significative dans les professions libérales techniques et du cadre de vie (53% des salariés sont des femmes), dans l’artisanat et le commerce de l’alimentation (47% de salariées), dans l’hôtellerie-restauration (44% de salariées) et dans l’artisanat de fabrication (un tiers des dirigeants sont des femmes). L’artisanat du BTP demeure en revanche  un secteur d’activité à dominante masculine.

Les femmes cheffes d’entreprise

Les femmes sont donc bien présentes en tant que chef d’entreprise dans de nombreux secteurs : elles sont à la tête de 43% des entreprises de service, et d’un tiers des entreprises de l’hôtellerie-restauration, du commerce alimentaire et de l’artisanat de fabrication.

Cette part a doublé en 30 ans dans l’artisanat : en 1984, 11% des chefs d’entreprises étaient des femmes, elles étaient 23% en 2015. La plupart des secteurs ont connu cette féminisation progressive de la fonction de dirigeant. Leur part a triplé dans l’artisanat de l’alimentation (de 8% en 1984 à 23% en 2015) ; elle a doublé dans l’artisanat de services (de 23% à 43%) ; elle a enfin progressé de moitié dans l’artisanat de fabrication (de 20 à 32%) et dans le BTP (de 2 à 3%).

Autre caractéristique des femmes dirigeantes : dans l’artisanat, elles sont plus diplômées que leurs homologues masculins (près de la moitié ont un niveau de diplôme égal ou supérieur au BAC, contre un tiers des hommes). Les niveaux d’études sont en revanche plus homogènes dans l’hôtellerie-restauration, le commerce alimentaire de détail et les professions libérales.

Concernant leur régime social, la majorité des dirigeantes sont indépendantes et affiliées au RSI, sauf dans les professions libérales de santé. Elles sont un peu plus nombreuses que les hommes à avoir opté pour le régime micro-entrepreneur (47% contre 36%).

On observe que les femmes dirigeantes d’entreprises vivent plus souvent seules ou en famille monoparentale que les hommes, ce qui peut être un signe de plus grande difficulté à concilier vie familiale et professionnelle : 28% des dirigeantes vivent seules contre 21% des hommes ; l’écart atteint 11 points dans les professions libérales de santé et 12 points dans les professions libérales techniques et du cadre de vie ; 10% des dirigeants sont en famille monoparentale contre 4% des dirigeants.

Les conjointes

Les conjointes de dirigeants sont souvent actives dans les entreprises de proximité : 18% participent régulièrement à la vie de l’entreprise, 7% occasionnellement. Cette composante familiale est particulièrement forte dans le commerce alimentaire (38% de conjointes sont actives régulièrement dans l’entreprise), dans l’hôtellerie-restauration (36%) et dans l’artisanat de l’alimentation (31%).

Les conjointes sont davantage présentes dans les entreprises de 6 à 10 salariés. Elles y travaillent en moyenne 34h30 par semaine (contre 25h30 en moyenne sur toutes les tailles d’entreprise).

Le choix du statut varie également selon la taille : dans les entreprises sans salarié, le choix du statut de conjoint collaborateur prédomine ; dans les entreprises employeuses, les conjoints sont plus souvent salariés.

En 2017, c’est environ 25000 conjoints collaborateurs qui étaient affiliés à la SSI et à la Caisse d’assurance vieillesse pour les professions libérales, dont 84% de femmes. Les conjoints collaborateurs sont plus nombreux dans l’artisanat et le commerce de l’alimentation. Leur moyenne d’âge est assez élevée, ce qui tend à montrer que ce statut est peu choisi par les jeunes générations… cela expliquant peut être la baisse du nombre de conjoints collaborateurs enregistrée ces dernières années.

Les salariées

Les modalités de travail des hommes et des femmes différent concernant le temps de travail : concernant le type de contrat, les salariées femmes sont plus souvent en CDI (82%) que les hommes (80%) ; un seul secteur fait exception (l’artisanat des services). En revanche, comme dans les autres secteurs de l’économie, les salariées des entreprises de proximité sont moins souvent employées à temps complet : près de 65% ont un contrat à temps complet, contre 87% des hommes. Cet écart important (22 points) est constaté dans tous les secteurs. Il est le plus élevé dans l’artisanat du BTP (59% de femmes à temps complet contre 92% des hommes). Ce temps partiel peut parfois être un temps partiel choisi, pour des raisons personnelles et familiales.

L’étude mesure pour la première fois l’écart salarial H/F dans les secteurs de proximité. A poste et âge égal, l’écart salarial est au désavantage des femmes dans la plupart des métiers. En moyenne, les femmes ont un salaire inférieur de 13,2%. L’écart est variable selon les métiers. Il est plus faible par exemple pour les coiffeurs (-5,9%) ou les ambulanciers (-3,2%). Il progresse avec l’âge et paraît plus élevé pour les postes d’encadrement (mais cela est vrai pour les secteurs de proximité comme pour l’ensemble de l’économie).

Les apprenties

Sur les 200.000 apprentis formés par les entreprises de proximité, 65.000 sont des femmes, soit 32%. Cette part est un peu inférieure à celle des femmes dirigeantes d’entreprise (38%), cela s’expliquant par le fait que l’apprentissage est peu développé dans certains métiers (notamment dans les professions libérales du droit).

En nombre d’apprenties formés, c’est le secteur de l’artisanat des services qui est le premier secteur employeur (23200 apprenties).

En part, la présence des femmes varie comme pour les dirigeantes et les salariées en fonction du secteur : elle est de 4% dans l’artisanat du BTP et atteint 88% dans les professions libérales de santé (principaux diplômes préparés : préparateur en pharmacie et d’auxiliaire vétérinaire).

Il n’y a pas eu de progression dans les effectifs de femmes apprenties ces dernières années, car l’apprentissage a globalement reculé (y compris pour ce qui concerne les hommes). Entre 2012/13 et 2016/17, les effectifs sont en baisse de 8%. Tous les secteurs ont été impactés, sauf l’artisanat et le commerce de l’alimentation (+9%).

La faible mixité constatée dans l’apprentissage peut provenir également du type de diplômes préparés, majoritairement des CAP dans les métiers de l’artisanat. Les filles, meilleures élèves que les garçons dans l’enseignement secondaire, sont sans doute encouragées à poursuivre leur cursus scolaire. Leur part est d’ailleurs plus importante dans les diplômes de niveau Bac ou supérieur.

Choix de métiers et d’activité

On constate que les choix des femmes se concentrent sur quelques métiers principaux, qu’elles soient dirigeantes, salariées ou apprenties. Ces choix sont moins variés que ceux des hommes.

Concernant par exemple les femmes dirigeantes, un tiers d’entre elles sont actives dans quatre activités : deux activités médicales (infirmières/sages-femmes et médecins) ; la coiffure ; les activités juridiques. Les dirigeantes sont majoritaires en nombre dans ces activités : elles représentent 84% des chefs d’entreprise de l’activité infirmiers et sages-femmes, 83% des chefs d’entreprise de coiffure, 98% des chefs d’entreprises de soins de beauté … Autrement dit, il existe encore des métiers à dominante féminine et d ‘autres à dominante masculine. Ces choix d’activité des femmes, plutôt orientés vers le commerce, les métiers de service ou de santé, sont d’ailleurs constatés dans l’ensemble de l’économie.

Les principaux métiers exercés en nombre par les salariées, comme les choix d’orientation des apprenties, sont les mêmes : s’y ajoutent les métiers de vente, gestion/administration (où exercent probablement beaucoup des conjointes salariées). Les barrières psychologiques tombent pour quelques métiers qui tendent à féminiser leur recrutement, comme celui de pâtissier, boulanger ou de prothésiste dentaire. Mais globalement, ces chiffres confirment le poids des représentations et des préjugés en matière d’orientation des apprentis, que ce soit sans doute chez les apprentis, leurs parents ou les équipes éducatives.

En conclusion
  • La mixité progresse parmi les dirigeants des secteurs de proximité (surtout, ces deux dernières années, dans les professions libérales).
  • Les hommes et les femmes y occupent cependant souvent des métiers différents : les femmes sont plus représentées dans les métiers de vente, de gestion, juridiques et de santé.
  • Les conditions de travail diffèrent également : plus de temps partiel pour les femmes, un écart salarial.
  • Les choix d’orientation des jeunes sont déterminants pour faire évoluer la parité dans les entreprises. Or, les choix de diplômes des apprentis restent très sexués et n’évoluent que lentement.

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